Soutenance de thèse

Soutenance de thèse

Clémence Bécans soutiendra sa thèse le 11 décembre à 9h30 à l'Airial

Clémence Bécans soutiendra sa thèse intitulée Évolution de la plasticité de traits d’histoire de vie d’Hymenoscyphus fraxineus, un pathogène forestier en expansion le 11 décembre à 9h30 à l'Airial 

Trente ans après son émergence en Europe du nord, la chalarose du frêne continue de se propager à travers le continent, déstabilisant les écosystèmes où le frêne commun (Fraxinus excelsior) prédomine. Cette maladie est causée par Hymenoscyphus fraxineus, un champignon pathogène ascomycète à reproduction sexuée. Malgré un fort goulot d’étranglement génétique lors de son introduction depuis la Mandchourie, le champignon s’est établi dans des environnements très diversifiés. 
La plasticité d’un caractère phénotypique correspond à la variation de l’expression de ce caractère dans des environnements changeants. Nous avons testé l’hypothèse selon laquelle la propagation de la chalarose est associée à l’évolution de la plasticité de caractères adaptatifs d’H. fraxineus. 
Dans le cadre d’une approche synchronique, nous avons échantillonné des pétioles de frênes communs infectés par H. fraxineus dans cinq sites situés le long d’un gradient latitudinal nord-sud (Lituanie, Danemark, Suisse, France et Italie), puis constitué cinq populations d’H. fraxineus. Ces populations présentent des histoires épidémiologiques contrastées et sont exposées à différentes conditions climatiques et espèces de frênes. 
Une première série d’expériences nous a permis d’évaluer la plasticité de la croissance et de la survie mycéliennes in vitro en fonction du degré d’humidité et de la température. Aucune différence de plasticité de la croissance mycélienne en réponse à l’humidité n’a été observée entre les populations étudiées, ni de différence de croissance ou de survie dans des conditions de température basse (3 °C, 6 °C) ou modérée (22 °C). En revanche, les isolats de la population italienne, la plus méridionale de notre dispositif, ont présenté une croissance à température élevée (26 °C) nettement supérieure à celle des isolats des autres populations. À l’inverse, la viabilité du mycélium des isolats lituaniens a diminué plus rapidement à haute température (> 30 °C) que celle des isolats issus des autres populations. 
Les isolats des populations de Lituanie et d’Italie ont été inoculés sur les pétioles de feuilles de jeunes plants de frêne. Aucune différence d’agressivité n’a été observée sur F. excelsior à 22 °C entre les deux populations. Cependant, l’agressivité, mesurée à l’aide de trois critères, s’est avérée, pour les isolats italiens, globalement moins plastique à la température (22° versus 26°C) et à l’espèce hôte (F. excelsior versus F. ornus, présent uniquement dans le sud de l’Europe et plus résistant à la chalarose) que chez les isolats lituaniens. Aucune différence d’agressivité sur tige n’a été mise en évidence entre deux les populations à 22°C sur F. excelsior. 
Le troisième volet de cette thèse est consacré à la relation entre phénologie de la fructification d’H. fraxineus et conditions de température. Dans ce cadre, nous avons échantillonné des rachis de frênes présentant des signes d’infections au nord de la France, au sud de la France et en Italie. Après 12 semaines d’incubation à 22°C et 26°C, nous avons constaté une phénologie de la fructification plus précoce chez la population italienne d’H. fraxineus que chez les populations françaises à ces deux températures. 
Dans l’ensemble, nos résultats suggèrent une adaptation d’H. fraxineus aux conditions biotiques et abiotiques du sud de l’Europe et mettent en lumière la menace que peut représenter le pathogène dans cette région, alors même que sa propagation et la sévérité de la chalarose y étaient estimées limitées. Plus globalement, nos résultats rappellent la nécessité d’intégrer l’évolution de la plasticité phénotypique des pathogènes, dans les modèles prédictifs du risque épidémique dans les écosystèmes forestiers.

Mots clés : plasticité phénotypique, chalarose du frêne, invasions biologiques, Hymenoscyphus fraxineus, pathologie forestière

Evolution of plasticity in life-history trait of Hymenoscyphus fraxineus, an expanding forest pathogen

Thirty years after its emergence in Northern Europe, ash dieback continues to spread across the continent, destabilizing ecosystems dominated by common ash (Fraxinus excelsior). This disease is caused by Hymenoscyphus fraxineus, a sexually reproducing ascomycete fungal pathogen. Despite undergoing a strong genetic bottleneck during its introduction from Manchuria, the fungus has successfully established itself in highly diverse environments.
Phenotypic plasticity refers to the variation in the expression of a given trait under changing environmental conditions. We tested the hypothesis that the spread of ash dieback is associated with the evolution of plasticity in adaptive traits of H. fraxineus.
Using a synchronic approach, we sampled infected ash rachises from five sites along a north–south latitudinal gradient (Lithuania, Denmark, Switzerland, France, and Italy), thereby establishing five populations of H. fraxineus isolates. These populations have contrasting epidemiological histories and are exposed to different climatic conditions and ash species.
A first series of in vitro experiments was conducted to assess the plasticity of mycelial growth and survival under varying humidity and temperature. No difference in the plasticity of mycelial growth in response to humidity was observed among the studied populations, nor any difference in growth or survival at low (3 °C, 6 °C) or moderate (22 °C) temperatures. However, isolates from the Italian population, the southernmost of our sampling sites, showed markedly higher growth at elevated temperature (26 °C) than isolates from other populations. Conversely, the mycelial viability of Lithuanian isolates decreased more rapidly at high temperatures (> 30 °C) than that of isolates from the other populations.
Isolates from the Lithuanian and Italian populations were inoculated onto ash petioles of young Fraxinus seedlings. No difference in aggressiveness was observed on F. excelsior at 22 °C between the two populations. However, aggressiveness, assessed using three different criteria, was overall less plastic in Italian isolates in response to temperature (22 °C vs. 26 °C) and host species (F. excelsior vs. F. ornus, the latter occurring only in southern Europe and showing greater resistance to ash dieback) than in Lithuanian isolates. No difference in stem aggressiveness was detected between the two populations at 22 °C on F. excelsior.
The third part of this thesis focuses on the relationship between the fruiting phenology of H. fraxineus and temperature conditions. In this context, infected ash rachises were collected from northern France, southern France, and Italy. After 12 weeks of incubation at 22 °C and 26 °C, the Italian population of H. fraxineus exhibited an earlier fruiting phenology than the French populations at both temperatures.
Overall, our results suggest an adaptation of H. fraxineus to the biotic and abiotic conditions of southern Europe and highlight the potential threat that the pathogen represents in this region, even though its spread and the severity of ash dieback were previously considered limited there. More broadly, our findings emphasize the need to integrate the evolution of phenotypic plasticity in pathogens into predictive models of epidemic risk in forest ecosystems.

Keywords : phenotypic plasticity, ash dieback, biological invasions, Hymenoscyphus fraxineus, forest pathology