Soutenance de thèse

Soutenance de thèse

Julien Bonnier soutiendra sa thèse le 3 décembre à 14h, à l'Airial

Julien soutiendra sa thèse intitulée Ressources de bois durable en Guyane française : Caractérisation génétique et orientation pour la gestion le 3 décembre à 14h, à l'Airial.

Résumé détaillé : En Guyane française, la forêt couvre près de 96 % du territoire et représente une opportunité de développement économique local. L’exploitation forestière apparaît comme un levier stratégique, mais doit être menée de manière durable. Ce défi est crucial pour des forêts soumises aux effets croissants du changement climatique. Dans ce contexte, améliorer les connaissances sur les espèces exploitées devient indispensable pour concilier production, conservation et adaptation. Cette thèse s’inscrit dans cette perspective en mobilisant les outils de la génétique de la conservation pour évaluer l’état de conservation, la structuration régionale, les dynamiques démographiques et le potentiel adaptatif de Dicorynia guianensis (Fabaceae), l’angélique, une espèce endémique du Bouclier guyanais représentant près de 54 % des volumes de bois récoltés annuellement en Guyane française. D. guianensis présente également une sensibilité à la sécheresse, renforçant l’intérêt de mieux comprendre cette vulnérabilité dans un contexte de changements globaux. La structuration génétique de l’espèce sur l’ensemble du nord de la Guyane française a été analysée à partir de marqueurs microsatellites ainsi que de SNPs (Single Nucleotide Polymorphisms), afin de relier cette structuration aux variations environnementales locales. Ces analyses ont révélé une forte différenciation des populations de l’Ouest, caractérisées par une diversité génétique plus faible et une sensibilité accrue aux conditions climatiques futures. À l’inverse, les populations de l’Est semblent localement adaptées à des régimes pluviométriques plus intenses, notamment pendant la saison humide, suggérant une adaptation locale à ces conditions hydriques. Les dynamiques de dispersion des graines et du pollen ont également été étudiées en confrontant les flux de gènes historiques, déduits de la structure génétique spatiale, et les événements de dispersion contemporains, estimés par analyse de parenté. Les décalages entre ces deux types de flux de gènes apparaissent comme des signaux précoces d’altération, potentiellement liés à l’anthropisation des milieux. Cette approche s’est révélée particulièrement sensible pour détecter les effets des perturbations récentes, avant même que des pertes de diversité génétique ne soient observées. L’étude d’un couple de parcelles jumelées a permis d’évaluer plus précisément l’impact des coupes sélectives. Celles-ci ne semblent pas compromettre la diversité génétique des populations adultes, mais entraînent des perturbations de la régénération : inégalités de contribution reproductive, réduction des distances de dispersion des graines, et régénération concentrée dans les ouvertures de canopée induites par l’exploitation. L’ensemble des méthodes mobilisées a permis de documenter le potentiel adaptatif et l’impact des pressions anthropiques sur D. guianensis. La combinaison des méthodes s’est révélée utile pour une détection précoce des signaux de perturbation. Ces résultats mettent en évidence une structuration génétique à l’échelle régionale, révélant des différences de diversité et de sensibilité à la perturbation entre zones écologiques. Ils soulignent qu’il n’est ni pertinent ni durable d’appliquer un mode unique de gestion sur un territoire : les frontières écologiques et génétiques ne coïncident pas avec les frontières administratives. Les pratiques sylvicoles doivent être adaptées aux spécificités locales des écosystèmes. Si les coupes sélectives ne montrent pas d’impact génétique à large échelle, elles perturbent néanmoins les dynamiques de régénération post-exploitation. Ces impacts deviennent préoccupants lorsque les cycles d’exploitation sont trop rapprochés pour permettre la reconstitution des structures initiales. Cette thèse plaide en faveur d’une gestion forestière différenciée, fondée sur une compréhension fine des dynamiques génétiques et écologiques, seule capable de garantir la pérennité et la résilience des forêts guyanaises face aux pressions actuelles et futures.